La résistance permanente affronte une répression continue

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Au petit matin du 9 juillet 2007, la créativité source de révolte secoue une fois de plus le corps de la société des immobilistes. L’annonce de l’arrestation des principaux membres du « Bureau de consolidation de la solidarité » , Bahareh Hédayat, Mohammad Hachémi, Ali Nikou Nesbati, Mehdi Arabchahi, Hanif Yazdani et Ali Vefghi, est rapidement diffusée. Assis, à même le sol, pancartes à la main, ils nous interpellent à travers l’image. Ces six personnes rassemblées à ۶ heures du matin devant l’Université Amir Kabir, sous les regards oublieux, recrée dans notre imaginaire les événements de 1998 à la Cité Universitaire.

Cette fois, ce sont eux (et non pas les forces de pression) qui assaillent notre esprit et nous demandent de résister à l’immobilisme contagieux de notre époque. Ils nous forcent à ne pas oublier les événements du 9 juillet 1998 de la Cité Universitaire. A ne pas oublier les efforts fournis pour la libération des 8 étudiants de l’Université Amir Kabir emprisonnés. Dans ce rassemblement non déclaré, ils se montrent pour affronter les peurs et les compromis. Cet acte aboutit non seulement à leur arrestation, mais aussi à celle de 10 autres membres et la mise sous scellé de ce mouvement.

Ce geste conscient cristallise un choix délibéré contre le déterminisme ambiant et contagieux ambiant. Il agit dans un contexte où la dominance de l’économie de spéculation conduit à imprégner tous les domaines de la vie d’une culture fondée sur « l’intérêt à gagner » qui pousse à considérer tout acte de protestation comme irrationnel par rapport au « prix à payer ». Cette vision se justifie non seulement par rapport à la répression existante, mais aussi par le rappel des raisons liées à la préservation des intérêts économiques, politiques et situationnistes qui retardent toute sorte de changement. Ces acteurs troublent notre esprit, non par l’aspect héroïque de leur acte, ni par leur radicalisme, mais tout simplement par leur révolte contre l’immobilisme opportuniste qui nous domine.

Encadrée dans une photo, leur image frappe encore plus fortement notre esprit que l’annonce de leur rassemblement. Peut-être parce que ce tableau va à l’encontre des images habituelles et nous interpelle vivement.

En effet, personne ne peut se souvenir du 9 juillet 1998 sans penser à l’image de la chemise tachée de sang de Ahmad Batébi.

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Qui peut oublier la photo du 12 juin 2006 de Délaram Ali, traînée par terre ; celle de Jila Bani Yaghoub, menottée ou celle des femmes battues ?

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Quel rapport peut remplacer les photos du visage ensanglanté d’une femme agressée par la police à cause de sa tenue vestimentaire ?

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Quelle description peut aller au-delà de la photo de cet ouvrier qui s’est pendu pour n’avoir pas eu de réponse à sa revendication syndicale ? Photo qui montre la douleur, la souffrance, l’harassement et la protestation.

Quel récit peut mieux démontrer la répression sanglante d’un gouvernement sinon les images des hommes portant une aiguière autour du cou ?

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Quel rapport est capable de dégoûter l’esprit de la violence de la lapidation sinon la photo d’une femme ou d’un homme, à moitié nu/e, à moitié enterré/e ?

Là où les médias officiels parlent de cérémonies d’« inauguration » et d’ « accueil » , et camouflent les protestations, ou bien produisent démagogiquement des informations « de velours » à l’instar de celles du 20h30 » pour diffuser des falsifications et des mensonges, ces images percutantes qui prolifèrent de jour en jour, tourmentent nos yeux, comme « le chapeau de Clémintès » de Milan Kundera, et perturbent nos sommeils. Les photos des Délaram et des Batébi sèment le trouble, car elles ne peuvent rester inaperçues ni devenir gracieuses en se camouflant sous les réponses malicieuses des politiciens. Ces photos sont les tranches d’une réalité qui, constamment, est destinée à demeurer cachée. Le sourire complaisant des médias et ses phrases dorées et rêveuses ne peuvent dissimuler la véritable violence qui les contient. Ces photos sont celle d’une réalité qui interpelle les consciences.

SOUS L’OMBRE D’UN COUP D’ETAT RAMPANT

Durant ces derniers mois, les attaques contre les personnes et les groupes actifs se sont intensifiées. Le coup d’Etat rampant via les douces méthodes sécuritaires s’est transformé en attaques continues pour rendre impuissants les esprits et paralyser les activités des mouvements féministes, syndicaux, estudiantins et des droits de l’Homme. Les interpellations devant les tribunaux, la sentence de peines lourdes, comme la flagellation et les emprisonnements illégaux, se poursuivent et s’intensifient.

L’arrestation de Haleh Esfandiari , l’interdiction de sortie du territoire de Nazi Azima , la proclamation de peines inattendues contre les activistes du mouvement féministe, Délaram Ali et Alieh Eghdam Doust, la mise en détention des étudiants de l’Université Amir Kabir, l’arrestation des membres du « Bureau de la consolidation de la solidarité » (en tirant en l’air comme s’ils attaquaient un repaire de malfaiteurs !), la mise sous scellé du bureau de cette organisation estudiantine, l’arrestation de Mansour Ossanlou, dirigeant du syndicat du transport urbain, et de Amir Yaghoubali, l’un des initiateurs de « la campagne pour un million de signatures » , font partie des activités précipitées des forces de « sécurité » qui ne visent qu’à couper le souffle citoyen aux activistes de la société civile.

Cette action ne cessera pas. Nos « sécurisateurs » sont d’avance prêts à bondir, et, dès ce chaud été, à nous empêcher d’organiser tout mouvement, avant qu’il n’y ait un 7 décembre , avant qu’un 8 mars ne se montre, avant qu’une protestation syndicale ne se forme et que des idées qui profiteraient des opportunités électorales pour porter des revendications civiles, ne se mettent en route. Alors, dans les jours historiques des mouvements civils, sous un climat électoral contrôlé, il ne leur restera plus qu’à observer leur propre rassemblement policier.

Pour préserver l’étendue de cette « douce » sécurité militaire, habituer les esprits à la peur et à l’ordre militaire, et pour démontrer le pouvoir des « sécurisateurs », un outil est nécessaire : la lutte contre le « mauvais port du voile » et contre « la racaille ». Il faut étouffer la résistance dans l’œuf !

Nos responsables savent eux-mêmes que l’action contre le « non-port du voile » et, plus tard, contre le « mauvais port du voile », dans les premières années de la révolution, considérée comme porteuse d’une « valeur idéologique », est aujourd’hui, même pour les exécuteurs des lois, vidée de son sens. Et pour leurs interlocuteurs qui sont, la plupart du temps, des femmes et des jeunes filles qui n’ont pas vécu la révolution et vivent à l’époque de la tranquillité nucléaire, cela est une sorte de démonstration de force artificielle qui n’a aucune légitimité et dont les bases idéologiques sont chancelantes.

A l’heure actuelle, les agents de l’ordre et les femmes savent que, dans ces démonstrations de force, il n’y a ni effort ni volonté de convaincre d’une quelconque « valeur ». Tout cela est du passé. Même les agents concernés, au lieu d’exécuter les ordres, les contournent parfois. Cependant on continue à recruter des personnes et à trouver des prétextes pour la militarisation permanente de l’espace urbain.

AUCUNE PEUR FACE AU PROJET DE FAIRE PEUR

Actuellement, il y a nous, et en face, ce déploiement sécuritaire. Faut-il avoir peur et s’isoler ou s’expatrier, comme beaucoup l’ont fait parce que leur espace vital devenait étroit ? Faut-il avoir peur des interpellations, des arrestations, des interrogatoires, de la prison, des amendes, des flagellations ou de longues peines de prison, pour nous tous, ou bien faut-il résister dans cet espace clôturé et faire entendre notre voix ?

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J’observe les photos des étudiants, des femmes et des syndicalistes arrêtés. Je fixe du regard la sérénité, la solidité de ces individus courageux, peu nombreux, mais puissant/es. Est-ce que la pression et la répression sont toujours efficaces ? Il semble que, dans la répression des activistes sociaux, la stratégie du système ne fonctionne plus comme avant. Dans le passé, toute attaque contre les activistes politiques ou contre les activistes de la société civile entraînait de lourdes conséquences. Certain/es ont été forcé de s’exiler, d’autres ont été emprisonné/es, d’autres encore assigné/es à résidence. En fait, l’anéantissement de l’espace vital des activistes de la société civile, de manière indépendante et organisée, était et est, à long terme, l’un des objectifs des gouverneurs face aux mouvements et organismes civils.

Par contre, l’existence de tout espace pour se rassembler et créer des courants de pensée et d’influence perturbent le sommeil de nos « sécurisateurs » et met en marche la machine du contrôle qui espère, avec chaque contre-attaque, écarter certaines personnes et empêcher l’amplification des mouvements.

Il paraît que, dans les gouvernances classiques, ces méthodes sont efficaces. En muselant, dans une certaine mesure, un groupe, une bande ou une mouvance, un calme passager peut s’installer.

Mais à l’époque actuelle où les mouvements civils compensent leur manque d’espace par l’organisation d’alliances et coalitions avec d’autres mouvements, ils répandent leur ombre protectrice en entraînant les parents en soutien aux revendications des enfants, et élargissent par là leur réseau de protection.

Ainsi, aujourd’hui, dans nos maisons, coule un mouvement qu’on ne peut plus arrêter ni contrôler. Aujourd’hui, contrairement à ce que les stratèges de la répression croient, face à une répression continue se prépare une résistance permanente. Car lorsque l’intensité des agressions gouvernementales s’expose, sans voile et directe, elle a un effet inverse qui transforme la peur en courage.

Je fixe encore une fois les photos. Une révolte créative, paisible, consciente et pleine de force s’avance et fait peur à la Peur. Il n’y a aucune crainte. Il y a de la chaleur, de la passion et de l’amour pour réchauffer le cœur de notre société immobiliste. Il nous appartient de ne pas laisser cesser battre ce cœur palpitant.

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