Sans doute le régime islamique d’Iran est l’un des régimes les plus armés et sanguinaires au monde. Sans doute le peuple iranien est-il l’un des peuples les plus courageux de la planète. Ce courage n’est rien d’autre que l’expression d’une soif naturelle de liberté et de démocratie après 30 ans de diktat théologique.
Depuis plusieurs mois, si les femmes et les hommes des pays libres retiennent leur souffle et admirent le courage des femmes et des hommes en Iran, en revanche, dans ces mêmes pays, les pouvoirs et la plupart des partis politiques demeurent les témoins indifférents des luttes en Iran.
Les plus hautes autorités iraniennes menacent de mort les « contre-révolutionnaires ennemis de la révolution islamique et les mécréants ». Les rues sont quadrillées par des milices et des hommes armés portant leurs munitions de façon visible comme en temps de guerre. Les Iraniennes et Iraniens, conscients de la cruauté d’un régime armé jusqu’aux dents et lucides face au péril, défient et attaquent cependant sans relâche le fondement de régime avec la force d’érosion des vagues océaniques.
Si récupérer « sa voix » fut un prétexte pour descendre dans la rue, aujourd’hui les revendications portent vers d’autres aspirations : la fin de l’Etat théocratique basé sur apartheid sexiste, la liberté, la démocratie et la laïcité.
Grâce à la richesse du pays, le régime se dote de technologies sophistiquées de censure : en juillet, il a acheté des appareils permettant de couper toutes les communications téléphoniques portables et SMS pendant les révoltes de la rue. Aujourd’hui, même les cabines téléphoniques ne fonctionnent plus pendant les manifestations. Par moment, les informations circulent de bouche à oreille. Les rendez-vous des manifestations sont écrits sur des billets. Afin d’isoler les Iraniens du reste du monde, les signaux satellites des chaînes étrangères sont parasités et totalement inaccessibles. Les Iraniens ne peuvent avoir accès qu’aux médias internes qui sont aux ordres du régime.
Pourquoi les peuples du Moyen-Orient, pour la plupart, somnolent dans l’indifférence vis-à-vis de leurs régimes dictatoriaux ou corrompus alors que le peuple iranien, en 30 ans, a déjà accompli deux révolutions ?
Que veut ce peuple ? Et pourquoi les pays occidentaux restent-ils indifférents ?
Il y a 30 ans, lorsque les Iraniennes et les Iraniens se sont révoltés, ils voulaient « tout sauf le Shah ». (« Quand le chat est parti, les souris dansent »…).
Et les pays occidentaux, vivant dans la crainte et l’obsession du communisme, soutenaient « tout sauf le communisme » pour l’Iran, pays trop voisin de l’URSS.
Ce « tout » fut Khomeiny pour les uns et les autres. Le peuple iranien n’avait pas encore expérimenté la théocratie. Et les pays occidentaux voulaient faire barrage au communisme.
En 1979 en Iran, selon la Constitution, les femmes jouissaient de droits comme l’autorité parentale partagée, le droit au mariage ou au divorce sans l’autorisation du père…
Les femmes n’étaient pas traitées comme de perpétuelles mineures et aliénées. C’est pourquoi d’ailleurs, lorsqu’en mars 1979, Khomeiny obligea les femmes à porter le voile, elles furent des milliers à descendre dans la rue et à crier « Nous n’avons pas fait la révolution pour voir nos droits en régression ! ». « La liberté n’est ni orientale, ni occidentale, elle est universelle ».
Aujourd’hui, la société dans son ensemble en a « ras-le-bol » de cet Etat théologique. Si, à l’aube du régime islamique, ce furent des femmes qui descendirent dans la rue, aujourd’hui ce sont surtout ces populations nées, éduquées et grandies sous ce régime qui ne supportent plus la théocratie.
Il n’est pas anodin que la révolte vienne juste après les élections. Car la « république islamique » porte en elle une contradiction et une tension irréductibles. Une république ne peut pas être théocratique, car cela signifie et exige la soumission des citoyens et citoyennes à une religion d’état.
Le peuple iranien cherche à se débarrasser de cet Etat des ayatollahs. Les Iraniennes et Iraniens ne veulent plus cette fois remplacer ce régime par n’importe quel régime.
Il ne faut pas oublier que depuis 30 ans, le régime a systématiquement éliminé ses opposants, surtout ceux qui étaient censés devenir des leaders. Les exécutions, les assassinats, les accidents déguisés, la terreur… sont les pratiques habituelles de ce régime. L’assassinat de Shapour Baktiar en plein Paris ne fut qu’un parmi d’autres. Même si l’aspiration à la démocratie n’a pas de guide, ni de leader, l’histoire nous montre que les peuples finissent toujours par se libérer.
Moussavi, l’adversaire d’Ahmadi néjad, est entraîné par le peuple dans cette révolte. Mais ni Moussavi ni sa couleur verte et son idéologie n’incarnent, d’une quelconque façon, le peuple iranien ou sa révolte. Le peuple, face à un régime tyrannique, barbare et violent, utilise sans illusion de telles stratégies de lutte pour avancer et pour préserver la vie de ses jeunes. Tout comme la fraude électorale a servi d’alibi à sa révolte.
Les vrais leaders sont les femmes et les hommes de la rue, amoureux de la liberté. Tous les jours, ils inventent un moyen d’avancer vers une société laïque qui passe forcément par la disparition et le renversement de la théocratie actuelle.
Les slogans des femmes et des hommes de la rue, jour après jour, deviennent la vraie expression de leurs revendications. A mesure que le régime se durcit et sème la terreur par tous les moyens, les revendications se radicalisent. « Mort au dictateur » laisse la place à « mort au guide suprême » et à « mort au régime islamiste » slogans inimaginables à entendre sur la place publique il y a encore un an.
Forces démocratiques, soutenez la détermination du peuple iranien en quête de liberté et de démocratie ! Dans la longue marche du peuple iranien vers la démocratie, il y aura encore d’autres dates : par exemple, le 11 février, « ۲۲ bahman », anniversaire de la révolution de 1979 où Khomeiny a établi son pouvoir théocratique. Alors, ce 11 février 2010 sera-t-il la fin de cette théocratie en Iran ? Cela dépend – aussi – de votre soutien.