Aujourd’hui, après vingt-sept années d’expérience mouvementée, par sa référence aux conventions internationales et sa volonté de promouvoir l’idée d’”égalité” et de réclamer « l’abolition de toutes les lois discriminatoires envers les femmes », le mouvement pour les droits des femmes en Iran lance un défi important. Dans cette perspective, les luttes des femmes d’avant-garde pour la création de centres culturels, l’organisation d’actions collectives et l’impulsion de nombreuses campagnes de protestation telles que la campagne « pour un million de signatures » et celle « plus jamais de lapidations » portent en elles des avancées extrêmement prometteuses.
Mettre en avant ces questions et développer ces actions permet de rapprocher comme jamais encore la revendication d”égalité” de celle de “liberté”. Ce n’est pas exagérer que d’affirmer qu’à présent le mouvement des femmes, parallèlement et conjointement à d’autres mouvements sociaux pour la liberté et la justice, se trouve au coeur du combat démocratique en Iran.
En réunissant des hommes et des femmes de différentes convictions et tendances autour de la défense de l’égalité, le mouvement des féministes iraniennes a initié une lutte socioculturelle qui interpelle toutes les dimensions des rapports de pouvoir. En effet, les rapports de genre croisent nécessairement des problématiques sociales, politiques et culturelles qui traversent tous les domaines de la vie, du plus privé au plus public. Par sa participation à la lutte pour les droits des femmes, chaque membre de la société est par conséquent invité/e à reconsidérer ses attitudes personnelles, sociales et politiques.
Aujourd’hui, le “mauvais port du voile” sert à justifier les attaques quotidiennes des agents de l’Etat contre les femmes qui s’opposent au modèle idéologique du régime islamiste. Et c’est par ce même biais que le pouvoir justifie et consolide la présence de forces d’oppression sur la scène sociale dans le but de répandre la peur et de renforcer son contrôle sur toutes les couches de la population. Le “voile” forcé des femmes, symbole de leur subordination, devient aussi un instrument d’oppression à tous les niveaux sociaux. Ce qui démontre à nouveau que la situation des femmes constitue un parfait miroir de la nature véritable du pouvoir dominant, et que l’approche féministe, en informant sur les rapports de genre, révèle la complexité des relations de pouvoir qui opèrent dans tous les champs sociaux. Il est donc impossible de limiter la pensée et la lutte féministes dans le cadre d’un seul parti ou d’une seule organisation politique, sans pourtant nier les conflits d’intérêts politiques dans l’action féministe. Gardons-le à l’esprit quand nous prenons position vis-à-vis des déclarations et actions qui revendiquent la défense des droits des femmes.
Dans la campagne lancée par les féministes iraniennes, les déclarations de divers groupes seront ainsi mises à l’épreuve. La position d’individus et de groupes face aux revendications des féministes permettra de mesurer le sérieux de leur engagement dans le combat pour la liberté, l’égalité et la justice sociale.
Dans le grave contexte sociopolitique de l’Iran actuel, nous, femmes iraniennes à l’étranger qui avons pendant des années été engagées dans des luttes de défense de la cause des femmes, avons décidé, sans renoncer à notre indépendance intellectuelle, de coordonner des actions pour soutenir concrètement les objectifs égalitaires du mouvement des femmes en Iran. Au-delà de nos diversités d’opinion et de nos différences intellectuelles et politiques, nous nous sommes opposées, pendant des années, au « féminisme islamique » ; nous avons défendu et travaillé pour soutenir et développer la lutte indépendante des femmes pour la liberté et pour l’égalité des droits.
Nous coordonnons aujourd’hui nos efforts en nous appuyant sur des convergences minimales :
1. Notre point d’accord sur la nécessité de soutenir activement le mouvement des femmes en Iran qui, à travers sa revendication d’”égalité” et ses références aux conventions internationales qui garantissent les droits humains et la liberté des femmes, travaille à l’abolition de toute discrimination sexuelle.
2. Notre conviction commune que les revendications égalitaires des femmes ne peuvent en aucune manière être remises en cause par des justifications ou interprétations prétextant le respect d’une identité ethnique, religieuse ou nationale. Au contraire, c’est la coopération entre non-croyant/es et croyant/es de diverses religions pour la défense de droits humains universels, de la liberté et de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui favorisera l’amélioration des conditions de vie collective et individuelle.
3. Nos espoirs et efforts communs pour que ces revendications d’égalité puissent être renforcées par la revendication de liberté et élargir l’alliance entre le mouvement des femmes et d’autres mouvements pour la démocratie et la justice sociale.
4. Notre lutte commune contre l’obligation du port du “voile” en tant que symbole de subordination des femmes et instrument de discrimination sexuelle.
5. Notre conscience de l’étendue de la répression qui étouffe la lutte en cours. Nous qui vivons à l’extérieur du pays, nous pouvons employer notre liberté d’expression, et jouer un rôle fondamental dans le soutien du mouvement féministe en Iran, sans renoncer à notre indépendance d’opinion et à notre capacité critique, pour contribuer à un dialogue constructif avec les féministes en Iran.
En considérant ces minimums communs et en continuant à les observer, nous, membres de ce réseau actif dans plusieurs parties du monde, nous nous engageons à soutenir activement le mouvement des femmes en Iran, et appelons sincèrement toutes les femmes qui partagent les points ci-dessus et croient à cette action positive, à se joindre à nous dans cette entreprise.
Mai 2007
Signataires de l’appel (par ordre alphabétique) :
– Shala Abghari, Etats-Unis d’Amérique
– Simin Afshar, Allemagne
– Ealahe Amani, Etats-Unis d’Amérique
– Negar Amuzandeh, Canada
– Irandocht Ansari, France
– Lehila Aslani, Allemagne
– Anna Asieh Pak, France
– Mariam Azimi, Allemagne
– Chahla Chafiq, France
– Mahvash Dalai, Allemagne
– Haideh Daragahi, Suède
– Jasmin Darvish, Autriche
– Parvin Ebrahimzadeh, Allemagne
– Giti Edalati, Allemagne
– Shahla Feyzi, Allemagne
– Ghodsi Hejazi, Allemagne
– Farmiah Ijadi, Allemagne
– Sholeh Irani, Suède
– Atefe Jafari, Allemagne
– Golroch Jahangiri, Allemagne
– Mihan Jazani, France
– Fatemah Kabiri, Allemagne
– Monireh Kazemi, Allemagne
– Nargese Kermanshahi, Canada
– Sima Mahzari, Allemagne
– Soheila Mirzai, Allemagne
– Akram Mosavi, Allemagne
– Nahid Nosrat, Allemagne
– Hamila Nisgili, Allemagne
– Mariam Nouri, Allemagne
– Mahshid Pegahi, Allemagne
– Katayon Pirdavari, Allemagne
– Mahshid Rasti, Suède
– Mahan Rusat, Allemagne
– Nasrin Saadeghi, Allemagne
– Saideh Sadat, Allemagne
– Elahe Sadr, Allemagne
– Parvin Saghafi, Allemagne
– Giti Salami, Allemagne
– Parvaneh Sepehr, Angleterre
– Jaleh Talen Hariri, Allemagne
– Parvaneh Zargar, Allemagne