Le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes, créée par Julia Kristeva en 2008 à l’occasion du centenaire de la naissance de Simone de Beauvoir et dont Taslima Nasreen et Ayaan Hirsi Ali furent les premières lauréates, est décerné cette année à la campagne des femmes iraniennes « d’un million de signatures pour l’abrogation des lois discriminatoires envers les femmes en Iran », pour leur « leur courage et innovation ». Le prix sera remis le 21 janvier par Julia Kristeva. Malgré l’interdiction de sortie de territoire des militantes féministes iraniennes, Julia Kristeva espère la présence de certaines d’entre elles lors de remise du prix.
Depuis 30 ans, les femmes iraniennes luttent contre un régime totalitaire et théocrate islamiste, qui inflige aux femmes le pire des traitements légiférés et institutionnalisés, misogynes et archaïques. Ces luttes ont commencé dès le lendemain de la révolution dite plus tard islamique.
Aujourd’hui, ces luttes et ces combats pour les droits des femmes et le droit à l’égalité entre les sexes sont plus visibles, bien que réprimés toujours aussi violemment.
Les féministes iraniennes, des activistes des droits de l’humain, des militantes anonymes et des milliers de femmes, bataillent depuis plus de deux ans pour changer le statut des femmes en Iran dans une république islamique de non droit.
Tout a commencé après une manifestation de défense des droits des femmes, le 12 juin 2006, en plein cœur de Téhéran, sur la place Hafté Tir. Réprimé à coups de matraques et d’arrestations, ce rassemblement pousse alors un petit groupe de militantes à concentrer leur énergie pour lancer une vaste opération de mobilisation à travers le pays. Leur mission est inédite : il s’agit de rassembler autour d’une même cause avec la « campagne d’un million de signatures » – le changement du statut du second sexe – des femmes issues d’horizons divers : progressistes, pratiquantes, laïques, avocates, poétesses, étudiantes, femmes au foyer,…
Relayée à l’étranger par de nombreux organes d’exilées politiques iranien, cette campagne trouve avant tout un écho en Iran, de Téhéran aux provinces les plus reculées. Son principe est simple. Munies de petits fascicules de sensibilisation sur la misogynie des lois basées sur la charia, les militantes font du porte-à-porte pour expliquer à leurs consoeurs les conséquences de ces lois sur la vie quotidienne des femmes.
La liste des inégalités dont elles sont victimes est bien longue. Selon la justice iranienne, le témoignage masculin vaut celui de deux femmes, une femme ne peut voyager seule, et si elle voyage, elle doit déclarer aux autorités islamiques le motif de son voyage. Encore selon les lois en vigueur, l’épouse désireuse de voyager à l’étranger doit demander l’autorisation de son mari…
Pire : si mille femmes sont témoins d’un assassinat, d’une violence contre une femme…, leur témoignage est nul. Pour qu’il soit valide, il faut qu’un homme ait également assisté à la scène. Autre aberration : un Iranien peut avoir officiellement quatre conjointes. A l’inverse, une femme ayant commis l’adultère est condamnée à mort par lapidation. A ce jour, il y a des femmes en attente dans le couloir d’une mort atroce…
Des militantes des droits des femmes font un travail remarquable de porte à porte, elles vont voir les femmes chez elles, dans les bus, dans les métros, les parcs, dans les champs, à la campagne … . Ce travail de longue haleine « koutcheh be koutche »-rue après rue- se heurte régulièrement à des obstacles. Depuis le lancement de cette campagne, des centaines de femmes ont été intimidées, arrêtées, frappées et interdites de sortie du territoire… Lorsque le régime les arrête, il les maltraite, insulte, fouettent …
Aujourd’hui, la remise du prix « Simone de Beauvoir » par un jury présidé par Julia Kristeva, est une reconnaissance pour le combat de toutes les femmes en Iran. Des prix de ce genre soutiennent les mouvements des femmes partout dans le monde et permettent d’améliorer leurs conditions. Si de l’autre côté du monde, des femmes sont fouettés, emprisonnées, meurtries, uniquement parce qu’elles veulent avoir le droit d’exister librement, de ce côté du monde, d’autres femmes font écho et les soutiennent en les comprenant et en se solidarisant avec elles. Merci au jury et tous ceux qui ont entendus les voix des femmes iraniennes, et bravo aux femmes iraniennes.